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mardi 1 mars 2016

AVALANCHE : Récit de Slavenburg Anthony


Bonjour, la neige pointant petit à petit le bout de son nez, je vous fais part de ce qui m'ait arrivé l'hiver dernier.
Piètre écrivain, j'ai essayé de vous raconter ça avec mes mots et mon ressentie, espérant amener un "plus" de méfiances encore à chacun.

Bonne lecture

Mardi 6 mars 2013, brouillard, vent, petite nuit, bref tout est réuni pour une bonne journée de ride à la maison.
Je retrouve mon pote Sacha. Après deux cafés on monte dans la benne sans trop savoir quoi faire ce matin.

Le risque est à 3/5, le vent souffle pas mal, et il commence à faire chaud (2° à 2000m). On se décide à faire un premier run dans un spot en forêt assez serré, pas mal !

De retour en benne, on s'oriente cette fois sur un autre secteur. Après une traversée un peu "craignosse" , en prenant toutes les précautions possibles, on arrive sur le spot convoité, VP4, une entrée en forêt plus ou moins raide, qui débouche soit sur deux jolies couloirs, soit sur de magnifiques run en forêt de part et d'autre de ces couloirs. Notre choix est fait on évitera les couloirs vue les conditions.
Je suis le premier à me lancer au départ du run, virage à gauche, virage à droite, craaaac!
L'axe de la pente cède sous mes pieds, pas de panique, je tire droit entre les mélèzes, puis me jette complètement sur la droite pensant me mettre à l'abri. En une fraction de seconde je comprends, c'est la m****! ce que je pensais être une petite plaque m'arrive dessus tel un rouleau compresseur, à perte de vue !

Je suis balayé, juste le temps de tirer la poignée de mon ABS, et je me fais littéralement massacrer. Rapidement je sens ma jambe gauche imploser contre un arbre, puis c'est un véritable sentiment d'impuissance face à la situation qui s'empare de moi. Impossible de maîtriser le moindre de mes gestes, pas même de recracher la neige qui s'accumule dans ma bouche. La peur m'envahit, je pense à ma fille, ma femme, je suis cuit !

Soudain, tout ralentit, je vois enfin la lumière du jour, le cauchemar s'arrête, du moins c'est ce que je pensais. Le sac Air Bag a fait son boulot, je me retrouve à peine ensevelit, face à la montagne, versant une larme tout en gueulant "put*** je suis vivant. Cette joie infinie est vite estompée par une sensation bizarre, mes bras, ma tête, ma jambe droite, tout fonctionne, en revanche, ma jambe gauche ne bouge pas en dessous du genou. Je ne rêve pas, j'essaye encore, le genou bouge dans tous les sens, mais le reste ne suit pas, je comprends, j'ai la jambe brisée !

La douleur me rattrape vite une fois l'adrénaline retombée, une horreur. Entre temps, j'aperçois Sacha qui me cherche et arrive vite sur moi.

Après 2/3 questions quant notre état respectif, il prend les choses en main. Il appelle le PGHM, malheureusement déjà en secours, ça sera le SAF qui viendra me dit-il. Une demi-heure passe, j'alterne les phases de hurlement, une manière d'atténuer la douleur, et les phases de concentration lorsqu'on l’entend enfin.

Une demi-heure qui m'aura parue des heures. L'hélico nous cherche, pas facile dans ce secteur boisé. Après d'infinies aller-retours, il redescend sur la station pour faire le point. Il remonte, retente le coup, le vent est trop fort, le brouillard s'épaissie, "ils s'en vont" me dit Sacha. J'ai l'impression que tout s'écroule et qu'on va rester un moment à attendre, avec cette douleur devenant de plus en plus dur à supporter.

Sacha me rassure comme il peut (merci mon pote), et passe des tonnes de coup de fil (mieux vaut partir avec un téléphone chargé. Le PGHM arrive dès qu'ils auront fini leur secours me dit-il, sans aucune autre indication à laquelle me raccrocher.

Les minutes passent, ça commence à être dur, je demande à Sacha de m'allumer clope sur clope pour me réchauffer, j'ai tellement froid malgré la couverture de survie qu'on a toujours dans nos sacs plus la veste de Sacha sur moi, que tout mon corps tremble et fait bouger cette saloperie de guibolle pas tout à fait dans l'axe d'ailleurs.

Je ne saurai dire combien de temps après, j'entends enfin l'hélico, ça y est on est sortie de la !!!!
Non sans mal, le pilote nous trouve, deux secouristes descendent en un temps record, Sacha remonte aussi sec, puis l'hélico redescend le mettre à l'abri, impossible d'enchaîner les deux treuillages tant le vent souffle, et la visibilité s'amoindrie, ça sent mauvais pour la suite.

En effet, le pilote fera pendant plus d'une heure d'innombrables aller-retour essayant de stabiliser sa machine sa machine au-dessus de nous pour descendre ce fichu câble.

Première tentative, ce dernier se met à tournoyer dangereusement et manque de s'enrouler autour d'un mélèze.

Le pilote a frôlé la catastrophe pour sauver ma peau. Il repart.

Les coups de fil s'enchaînent entre secouristes présents, pilote et tous ceux qui gravitent autour. L'option de faire monter une caravane terrestre est sérieusement envisagée, mais elle signifie de longues heures d'attente encore, et clairement je n'en peux plus, la douleur m'est insupportable maintenant, cela fait plus de 3h que je suis posé la, la jambe brisée et pas tout à fait droite, transit de froid.

Je supplie le secouriste de demander au pilote une dernière tentative.
Ça sera la bonne ! Quelques minutes plus tard, le pilote avec tout le courage possible parvient tant bien que mal entre deux rafales à stabiliser la machine au-dessus de nous, le câble descend, je suis attaché en un rien de temps, et sous la puissance de l'hélico je suis éjecté hors de ce merdier, non sans douleur puisque la moitié de ma jambe sous le poids de la chaussure et malgré l'attelle posé reste quasiment sur place.

J'en chie comme jamais, mais je suis heureux. On débarque tous à la DZ de modane, le médecin peut enfin m'injecter cette morphine dont je rêvais tant.

Cela fait six mois que ces faits se sont déroulés, depuis j'ai subi deux opérations, et il m'en reste une. Je ne pourrai pas skier pendant un moment du coup j'aimerai partager cette expérience et ses enseignements au plus grand nombre.

-Ce jour-là, le risque était assez élevé 3/5, le vent soufflait fort et malgré le ressenti la chaleur était bien présente c'est un point que nous avons négligé.

-Le second point est que pour moi et je pense beaucoup d'autres, skier en forêt était synonyme de sécurité. Grossière erreur, l'intégralité de cette face en pleine forêt (200/300m sur 80 cm) a cédé sous mes pieds, la transformant en véritable hachoir à humain. J'ai eu énormément de chance.

Ensuite, un autre point que peu de gens prennent en compte c'est l'éventuel secours ! Pensez à choisir vos spots en fonction de la météo et de l'accessibilité des secours. Si ma blessure avait été pu grave les choses auraient pu tourner très mal.

Enfin, je parlerai du matériel de sécurité Vue l'état de mon casque, le résultat aurait aussi été différent, je sais bien que le freeride c'est la liberté etc, mais c'est bien dommage de ne pas maximiser la sécurité. Notamment grâce à l'ABS, certes le coût est onéreux, mais j’aurais certainement respiré bien plus tard si je ne le portais pas ce jour-là.

La vie n'a pas de prix !


Bon ride à tous, 

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