Cet automne, l’Everest a une fois de plus été le théâtre de remarquables premières à ski. Première sans oxygène, première face nord intégrale… Autant de médailles qui s’entassent dans les gros titres, jusqu’à parfois ne plus comprendre la teneur des prouesses réalisées. Mais derrière ces exploits à deux patins se cachent bien d’autres descentes historiques en Himalaya, parfois moins remarquables, souvent plus élégantes. Qu’elles soient à monoski, snowboard, télémark ou même sur les fesses, retour sur une histoire annexe de la glisse à haute altitude — avec style.

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Olof Sundstrom, en télemark à l'Everest. Tout simplement. © Olof Sundstrom/CC BY 4.0

Plus habitué des pistes damées que des grandes faces nord, le monoski n’est pour autant pas étranger à l’himalayisme. On dénombrait déjà, à la fin des années 1980, quelques premières sur les 8 000 himalayens.

Ainsi, en 1984, une équipe de quatre Français tente sa chance à ski depuis le sommet du Gasherbrum II (8 025 m). Parmi eux, un monoskieur, devenant tout simplement le premier homme à glisser depuis un sommet de plus de 8 000 mètres en monoplanche. L’équipe ne skiera que jusqu’au camp 4, à 7 500 mètres, laissant ainsi à l’équipe de Wim Pasquier et Patrice Bournat le titre de première descente intégrale, un an plus tard.

En 1988, Pascal Hittenger viendra lui aussi poser sa spatule sur cette voie normale, accompagné d’Henri Albet en snowboard, de Marc Buscail et de deux sherpas lui montant son monoski au sommet. Par malheur ou faute de carre, après avoir chaussé au point le plus haut, Albet décroche sous le camp III et perd la vie, retirant à Hittenger l’envie de finir sa descente en monoski. Depuis, Tiphaine Duperier, Boris Langenstein, Aurélia Lanoë et Guillaume Pierrel ont pu, eux aussi, s’offrir une descente du treizième plus haut sommet du monde. Entre autres. Et avec deux skis (chacun).

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C’est à monoski qu’elle descend le Cho Oyu (8 210 m), offrant une leçon de style à tous les skieurs passés au préalable.


La première descente féminine d’un 8 000 ? En monoski

En 1988, seulement un mois après la première hivernale en solitaire sur un 8 000, Véronique Périllat réalise la première descente féminine d’un 8 000, tout engin de glisse confondu. Mais puisqu’elle ne voulait pas faire comme tout le monde et dans le but de « rendre hommage à son père » selon le récit de l’expédition, c’est à monoski qu’elle descend le Cho Oyu (8 210 m), offrant une leçon de style à tous les skieurs passés au préalable. 

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Une des rares parutions de la première descente féminine d'un 8 000. © Revue inconnue, 1988

Plus tôt, en 1982, Laurence de la Ferrière avait déjà tenté de s’attaquer au dôme de l’Annapurna (7 400 m) dans le but de le descendre en monoski. La montagne en avait voulu autrement, et le camp de base avait été englouti par une gigantesque avalanche, recouvrant par la même occasion la tente dans laquelle elle se trouvait avec son mari. Survivante, elle deviendra dix-huit ans plus tard la première femme à traverser l’Antarctique.


8 000 et snowboard, une histoire indissociable

C’est au Cho Oyu que s’écrit une fois de plus l’histoire du snowboard à (très) haute altitude. En 1988, aux côtés de Véronique Périllat et de son monoski, se trouve un certain… Bruno Gouvy. Il devient ainsi le premier homme à rider un 8 000, après avoir déjà tant fait avancer son sport dans les Alpes, en glissant sur les Grandes Jorasses, la Niche des Drus, le Cervin et l’Eiger.

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L’histoire continue de s’écrire à l’Everest (8 849 m) en 1989, toujours avec Bruno Gouvy, qui réalise une première descente du pilier Sud depuis 8 400 mètres. Nouvelle descente historique en 1996 : Jean Troillet descend en snowboard, accompagné de Dominique Perret à ski, le versant nord-ouest depuis 8 450 mètres. C’est ce même Jean Troillet qui avait, quelques années plus tôt, tenté l’ascension de la face nord par le couloir Hornbein avant de la redescendre… sur les fesses. Le style « su’l’cul » avait ainsi vu le jour !

Mais la plus belle et la plus remarquable descente, c’est la légende Marco Siffredi qui la réalisera en 2001, marquant à jamais l’histoire du freeride.

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La dernière photo de Marco Siffredi avant de plonger dans le couloir Hornbein en 2002. (Source : La Trace de l'ange, Antoine Chandelier)

Mais la plus belle et la plus remarquable descente, c’est la légende Marco Siffredi qui la réalisera en 2001, marquant à jamais l’histoire du freeride. Seul, depuis le sommet, il descend la face nord de l’Everest par le couloir Norton, puis les pentes inférieures, avant de rejoindre le camp de base à 6 400 mètres, toujours sur sa planche. Il continue de marquer l’histoire un an plus tard, par la tragédie cette fois, en perdant la vie dans sa tentative du couloir Hornbein, où son corps ne sera jamais retrouvé.

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Le talon libre sur le toit du monde

Si les pages de la glisse en Himalaya sont déjà bien écrites, il reste des premières à réaliser, à commencer par la descente du couloir Hornbein sans oxygène. Une petite communauté de rêveurs continue par ailleurs d’imaginer une première descente depuis le sommet de l’Everest en télémark… Pour autant, le toit du monde a déjà vu passer des talons libérées, en la personne d’Olof Sundström. Seulement, celui-ci n’avait pas pu glisser depuis le sommet et avait dû déchausser à maintes reprises. Le même jour, un Suédois perdait la vie en tentant, lui, de descendre la face nord. En conséquence, le Cho Oyu serait aujourd’hui le seul sommet de plus de 8 000 à avoir été réellement descendu en télémark. Et si c’était ça, les derniers problèmes de l’Himalaya